Le cancer du pancréas est une maladie qui touche un organe du système digestif particulièrement important. Le pancréas secrète l’insuline pour la régulation de la glycémie et le suc digestifs pour la digestion. Il se développe à partir d’une cellule initialement normale qui se transforme et se multiplie de façon anarchique, jusqu’à former une masse appelée tumeur maligne (ou cancer).
Le nombre de nouveaux cas (incidence) en France en 2023 est de 15 991, dont 8 323 chez les hommes et 7 668 chez les femmes. Ce taux progresse, en majorité chez les personnes de plus de 50 ans, avec +1,6% par an chez les hommes et +2,1% par an chez les femmes. Le tabagisme est le principal facteur de risque du cancer du pancréas.
La découverte du cancer du pancréas
Tout a commencé pour moi par une recherche onco-génétique. Cette recherche a été menée en raison d’un nombre élevé de cas de cancers dans ma famille. En effet, ma sœur a eu un cancer du sein avant l’âge de 40 ans et mon père de l’estomac. A l’issue de celle-ci, je découvre être porteuse d’une mutation génétique sur le gène BRCA2. Les équipes médicales m’ont alors expliqué les risques beaucoup plus élevés que la moyenne de développer un cancer du sein et/ou de l’ovaire.
Sur leurs conseils et afin de limiter au maximum ces risques de cancer, j’accepte une ovariectomie et une double mastectomie prophylactiques. En 2016, j’ai 49 ans. Les années passent, j’ai une bonne hygiène de vie, ne fume pas, ne bois pas. Je nourris le projet de me reconvertir professionnellement et de créer mon auto-entreprise, et en mars 2019 je démissionne de mon entreprise internationale d’études de marché dans laquelle je travaille depuis de nombreuses années.
Mais à l’été 2019 je ressens de très fortes douleurs au dos et au ventre. Aux repas, je ne peux presque pas manger car cela déclenche les douleurs, et je commence à perdre du poids (environ 4 kilos). Les rendez-vous s’enchaînent : imagerie, urgences, biopsie. Dix jours plus tard le verdict tombe : cancer du pancréas localement avancé. Imbriqué autour de l’artère mésentérique, on ne sait pas opérer. Ce cancer est une autre conséquence du BRCA2 dont je suis atteinte.
Mon parcours de soins de l’annonce à la fin des traitements
A l’annonce du diagnostic en octobre 2019, beaucoup de questions me viennent à l’esprit. Une des premières, je crois, a porté sur l’espérance de vie. Le médecin m’a tout de suite répondu qu’on ne pouvait pas savoir, tout dépend de comment va réagir mon corps au traitement. Elle a suggéré de commencer tout de suite les chimiothérapies, puis d’aviser. Incapable de réagir, complètement sonnée, c’est mon mari qui décide à ma place : on démarre les chimio dès que possible.
Au bout de la seconde ou troisième chimio, je ressens une amélioration : plus de douleurs dos/ventre et la possibilité de manger un peu plus. Au bout de 7 chimiothérapies, le médecin me parle de « réponse exceptionnelle » au traitement. Le scanner montre une tumeur toute petite. On va envisager ce qui ne l’était pas jusqu’à présent, la radiothérapie. J’ai suivie 30 séances de radiothérapie et pour renforcer les effets des rayons, je prends une chimiothérapie orale, deux fois par jour, toutes les 12 heures.
A la fin de ces séances, 6 semaines plus tard, encore une fois, ce qui n’était pas envisageable jusqu’à présent le devient. Je suis opérée (chirurgie dudénopancréatectomie céphalique, DPC) en Juillet 2020. En septembre par sécurité, je démarre un nouveau cycle de 6 chimiothérapies adjuvantes. La dernière a lieu en novembre 2020. Mon arrêt maladie se termine en mars 2021. Je me sens en bonne forme, j’ai un bon moral, et suis pleine d’espoir, alors je relance mon entreprise. Actuellement, mon activité marche bien, j’exerce désormais en tant que cat- sitter professionnelle et pleinement heureuse de ce choix.
Yoga & Activité physique adapté
Ces activités font parties des interventions non médicamenteuses recommandées (soins de support) ( par l’AFSOS (Association Francophone des Soins Oncologique de Support)
Maintenir une activité est essentiel mais son type et son intensité doivent être adaptés à l’état de santé, aux besoins et aux souhaits de la personne malade.
Maintenir une activité adaptée et progressive est recommandée face au cancer. Elle permet d’améliorer la santé générale, le moral, l’état psychologique et émotionnel et réduit le niveau de fatigue.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile ?
Je dirais que deux moments l’ont été tout particulièrement. Premièrement, en face du médecin, lorsqu’il pose le diagnostic et que le mot cancer est lâché. À ce moment-là, c’est tout qui s’effondre autour de nous, l’annonce est terrifiante. J’étais tellement en état de choc que j’ai dû m’allonger dans le bureau.
Le second a été après la chirurgie DPC : j’étais tellement heureuse de rentrer à la maison ! C’était pendant une canicule, j’étais épuisée par la chaleur et très fatiguée de l’intervention. Je ne ressentais plus ni faim ni soif
et ai commencé à perdre beaucoup du poids. J’ai passé plusieurs jours ainsi, incapable de quitter le lit. J’ai alors profondément pensé que je pouvais mourir si je ne réagissais pas rapidement. Je suis retournée à l’hôpital, et y ai passé 10 jours pour déshydratation et dénutrition sévères. A ce moment là, j’avais perdu 10 kilos en un an.
Les autres moments difficiles :
- L’annoncer à la famille, aux amis a été difficile : je ne savais pas quels mots utiliser sans trop faire peur. Aussi et surtout, je ne voulais pas que les gens changent de comportement vis-à-vis de moi.
- Le manque d’informations positives, ou porteuses d’espoirs : chercher sur internet n’a été qu’une source d’anxiété. Donc j’ai demandé aux gens, s’ils m’aimaient, de ne pas aller lire sur internet ce qui concernait ce cancer
- Peu de personnes atteintes de la même pathologie, donc pas d’autres patients avec qui discuter
- Les mots maladroits : face au cancer, les gens ont du mal à trouver les mots qu’il faut. Écouter vraiment suffirait pourtant dans de nombreux cas.
- Ne rien pouvoir prévoir / planifier pendant la durée de la maladie.
Le cancer du pancréas : ce qui s’est bien passé
- J’ai eu la chance d’être suivie par une psychologue à chaque chimiothérapie, et à tout autre moment. Elle travaillait dans le service et connaissait bien les pathologies et l’angoisse spécifique à ce type de cancer.
- J’aime écrire et ce qui m’a beaucoup aidée a été de tenir un journal. Pour ne pas oublier ce que je traversais, pour y écrire des inquiétudes que je ne pouvais pas / ne voulais pas partager avec mon mari. Ce texte est maintenant publié et j’aimerais de tout cœur le partager avec des gens atteints de la même pathologie ou leur entourage.
- La présence de mon chat Bandit auprès de moi , ses ronronnements, le caresser ont beaucoup apaisé mes angoisses.
- La pratique du yoga : en faire régulièrement et comme je pouvais, sans forcer, m’a maintenue en forme tout en me donnant un but.
- Une totale prise en charge sur le plan médical : tous les rdv étaient programmés par les médecins pour me consacrer uniquement à un but, la guérison.
- Etre dans l’action, tout de suite commencer les traitements.
- Avoir un conjoint, et des amis présents et attentifs.
« L’indigestion, Journal intime de mon cancer du pancréas », ouvrage d’Isabelle Chabrier
Isabelle est l’autrice du livre « L’indigestion, journal intime de mon cancer du pancréas« , un livre dans lequel elle nous partage son expérience.
Editions de l’Harmattan, 212 pages, Janvier 2023
Son ouvrage est disponible👉ici👈.
Vous pouvez accéder à son site personnel en cliquant 👉 ici 👈.
Quels axes d’amélioration verrais tu ?
Sans hésiter, ma demande la plus forte serait de pouvoir discuter avec d’autres patients atteints de la même pathologie. On est parfois seul(e) avec des questions très triviales (troubles intestinaux, ce que l’on peut manger ou non, les traitements, …) , que l’on n’ose pas forcément poser à son médecin mais dont on pourrait discuter avec facilité avec d’autres patients.
Si je devais préconiser des améliorations :
- de l’accompagnement par l’écoute et/ou des groupes de parole dédiés à ce cancer très spécifique.
- une plus grande prise de conscience par les médecins de la nécessité d’échanges entre patients : il faudrait ajouter cette dimension d’orientation vers des associations de patients.
Ce que les hôpitaux et l’Etat devraient mettre en place
Dans un premier temps, je verrais la remise systématique d’un livret à tout patient à qui on annonce un cancer du pancréas ou de tout autre organe. L’annonce est une telle déflagration qu’elle nécessite un temps pour accepter le diagnostic, mais ensuite plein de questions pratiques se posent. Et la nouvelle est tellement violente que quelle que soit la personne concernée, toute aide est la bienvenue dans ces moments-là, ce livret pourrait être une piste. Il serait rédigé par la collaboration de soignants et patients afin d’informer immédiatement le patient en un document unique qui détaillerait entre autres :
- la partie administrative
Le statut de l’ALD (Affection de Longue Durée), les IJ (Indemnités Journalières) de la sécurité sociale (selon que l’on soit indépendant , salarié, chômeur, retraité, …), ce que peut faire la prévoyance, la mutuelle, l’assistante sociale etc, et auprès de qui se renseigner pour
obtenir des infos sur chacun des points que je viens d’évoquer. - La partie médicale, paramédicale
En quoi vont consister les traitements, les différents examens, et en quoi peut m’aider mon pharmacien, une infirmière à domicile, une kiné, etc. - La partie soins de support, image de soi
En quoi cela consiste, comment en bénéficier ? Comment trouver un psy, un nutritionniste, etc ? - Je suis seul(e) à domicile / Je rencontre des difficultés, quelqu’un peut il m’aider à préparer les repas, à faire les courses, à remplir des papiers ?
Ensuite, et sans que cela soit demandé par le patient, la mise en relation avec des associations de patients.
L’association Espoir Pancréas
Dans le cadre du cancer du pancréas, l’association Espoir Pancréas est spécifiquement dédiée aux patients atteints de cette pathologie et à leurs proches. C’est un cancer digestif, mais avant tout un cancer d’un organe vital. On n’est jamais aussi encouragé que par des rencontres avec des pairs, aussi soutenu que lorsqu’on sent un véritable partage d’expériences. Aussi, la mise en relation avec des groupes de patients serait très réconfortante.
Quels seraient pour toi les grands enjeux ou chantiers à mener face au cancer du pancréas ?
Des articles sont parus en début d’année 2023 dans la presse généraliste (Le Monde, Ouest France, France Info, Le Parisien …) alertant sur le fait que le cancer du pancréas était en voie de devenir à l’horizon 2030 la deuxième cause de mortalité par cancer après celui des poumons, en Europe et aux Etats-Unis. C’est donc un véritable enjeu de santé publique. A ce titre il conviendrait de :
- Davantage faire connaître ce cancer qui progresse avec 15 000 nouveaux cas par an au moyen de spots télévisés en informant sur les signes à ne pas négliger et la prévention.
- Certains instituts ou associations mettent en avant les 4 « grands » cancers que sont celui du sein, du poumon, la prostate ou le colo-rectal. Au vu nombre de nouveaux cas par an, y ajouter le cancer du pancréas serait complètement légitime pour renseigner un patient qui en serait au stade de la simple recherche ou en besoin d’informations plus précises.
- Unir tous les acteurs pour faire entendre collectivement leur intérêt à parler du cancer du pancréas. Déjà maintenant, mais aussi dans les années à venir, on va tous être confrontés de près ou de plus loin à des cas de cancer du pancréas. En parler, alerter, prévenir, le grand public mais aussi auprès des institutions est à mon sens une réelle nécessité, afin qu’il soit traité au même niveau que les « 4 grands cancers ».
- Communiquer régulièrement dans la presse généraliste sur les recherches et avancées scientifiques, comme le vaccin actuellement testé aux USA.
- Relayer des témoignages positifs : certains patients s’en sortent, j’en suis la preuve !
- Organiser un événement annuel télévisé : comme le Sidaction ou le téléthon, afin de récolter des fonds et soutenir la recherche.
« Déjà maintenant, mais aussi dans les années à venir, on va tous être confrontés de près ou de plus loin à des cas de cancer du pancréas »
Isabelle
Les signes à ne pas négliger
Je crois qu’il faut accepter l’idée que le corps nous « parle », nous alerte sur les limites franchies. Or on a tendance à minimiser les signaux envoyés, en mettant bien souvent cela sur le compte de la fatigue ou du stress. Le corps n’émet pas toujours des signaux dans le cancer du pancréas, d’où la très grande difficulté à prendre ce cancer à temps.
Les signes que j’ai eus et qu’il ne faut pas négliger ce sont :
- Des douleurs inexpliquées au ventre et/ou au dos en simultané.
- Une perte de poids.
- De la fatigue sans raison particulière.
- L’absorption d’aliments générant des douleurs et diminuant l’appétit.
Un ou plusieurs de ces facteurs doivent conduire à consulter dès que possible.
Pour en savoir plus sur l’espoir des vaccins contre les cancers du pancréas :
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